"Dur contre le crime, dur contre les causes du crime"
Publié le 4 Juin 2006
La proposition d'un traitement "militaire" de la délinquance est au minimum discutable. Ségolène Royal n'avait pas besoin de cela pour faire savoir qu'elle était imperméable à l'angélisme sur les questions de sécurité, ce qui s'impose à tout candidat socialiste soucieux d'éviter un risque majeur de catastrophe électorale.
Il n'y a pas dans cette remarque que des considérations tactiques car plus fondamentalement je pense qu'il est de la responsabilité de la gauche de regarder la sécurité comme un droit qu'il faut préserver ou reconquerir. Les plus favorisés peuvent acheter leur sécurité en se regroupant dans des quarties préservés, ils ne s'en privent pas. Des chercheurs comme Eric Maurin ont bien montré comment les ghettos se forment au moins autant par fuite des classes moyennes et supérieures que par la concentration des plus pauvres dans les quartiers "difficiles". Les raisons de cette ségrégation territoriale ne sont pas principalement la sécurité mais il est probable qu'elle est un élément non négligeable. Il est normal de se préoccuper en priorité de la sécurité de ceux qui ne peuvent compter que sur la puissance publique (même s'il faut se garder d'attendre tout de l'Etat...).
Evidemment c'est sur les terrains économique, social et éducatif qu'on trouvera les solutions durables, mais le rétablissement d'un ordre républicain nécessite une certaine fermeté, des garanties sur le fonctionnement de la justice et de la police. Aujourd'hui ces institutions n'inspirent plus confiance. Sarkozy se contente de parader devant les cameras en laissant la violence augmenter, à son profit pense-t'il puisqu'il sait si bien instrumentaliser ce dossier. Une police sous pression se coupe des populations au fur et à mesure que les bavures s'accumulent (je classe comme bavures également les humiliations subies par les victimes de contrôles au faciès par exemple). La police de proximité plus à même d'instaurer une relation de confiance a été supprimée. La justice, avec un des budgets les plus faibles de l'Union européenne, est débordée, alors qu'on sait que tout délai dans la sanction de la délinquance condamne à l'inefficacité. On abuse de la fausse solution qu'est la prison, impraticable en particulier face à des délinquants mineurs. L'état du système carcéral est un scandale qui devrait nous faire honte.
Alors attention aux fausses bonnes solutions : la mise sous tutelle des allocations familiales en est peut-être une. Les réponses adéquates à la délinquance et à la désocialisation devraient sans doutes être adaptées aux situations particulières : un encadrement "militaire" peut être approprié dans certains cas, dans d'autres il s'avérera contreproductif.
Mais assumons une certaine fermeté. Posons des limites. Affirmons qu'un acte de délinquance doit être puni. Ce qui ne signifie pas qu'on ignore le contexte sociétal derrière cet acte. Et en gardant à l'esprit que la restauration de la justice suppose qu'on rejette toute loi "spéciale", c'est la loi commune qui doit s'appliquer partout.
Il a été dit que Ségolène adoptait une position blairiste sur le dossier de la sécurité "dur avec le crime, dur avec les causes du crime". Au delà des mots utilisés et de l'efficacité qui reste à démontrer des mesures proposées, je crois qu'elle a raison.
J'espère que notre candidat(e) saura faire passer un discours de responsabilité sur le sujet de la sécurité, comme sur tous les autres sujets. Il ne faudrait pas que les concurrents de Ségolène se fassent piéger et prennent le risque d'être caricaturés comme complaisants vis à vis de la délinquance, dans le seul but de se différencier d'elle et de la faire trébucher.