Explication de vote du PS sur le projet de loi "Droit au logement opposable par Jean-Yves Le Bouillonnec le 22 février 2007

Publié le 23 Février 2007

Discours de Jean-Yves LE BOUILLONNEC

Explication de vote du projet de loi

« Droit au logement opposable » 

Assemblée nationale le jeudi 22 février 2007

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues,

 

Lors de la discussion générale du projet de loi instituant un droit au logement opposable, mon groupe politique a regretté que ce texte comporte « un grand objectif et des moyens dérisoires ». Cette grave insuffisance des moyens nous a paru d’autant plus suspecte que les circonstances incertaines qui l’ont vu naître justifient des craintes légitimes sur la bonne foi de ses auteurs. 

 

Convaincu, depuis longtemps, de la nécessité d’établir l’opposabilité du droit au logement, mon groupe politique ne saurait admettre que cette ambition soit rabaissée au rang des slogans de campagne. Nous avons donc abordé la discussion de ce projet, portés par la seule exigence de faire le partage entre la volonté et l’incantation, l’action et la manœuvre, le progrès et l’artifice. Et je crois pouvoir affirmer, en cet instant, que tous les amendements défendus par les socialistes, dans cet hémicycle comme dans celui du Palais du Luxembourg, ont été l’expression fidèle de cette unique intention.

 

Au terme d’une semaine de débats souvent animés et parfois bien tardifs, il nous revient ce soir d’en tirer le bilan. Mon groupe vous le concède bien volontiers, Monsieur le Ministre, Madame la Rapporteur : au cours de leurs dernières séances de travail, les députés de la XII législature auront sensiblement enrichi le corps du texte. Nos collègues du Sénat avaient d’ailleurs déjà montré la voie en quintuplant le nombre des articles et en adoptant certains amendements majeurs.

 

Présenté par les sénateurs socialistes, l’amendement créant ce qu’il est déjà convenu d’appeler « l’article 55 pour l’hébergement d’urgence » a marqué une première avancée incontestable. Si nous regrettons vivement que les députés de la majorité aient réduit le montant des sanctions financières qu’il prévoit, le dispositif qu’il met en place devrait cependant améliorer l’effectivité des obligations faites aux communes par la loi de 1994. Astreindre des communes à compter au moins une place d’hébergement d’urgence par tranche de 2000 habitants, c’est un moyen simple et efficace pour apporter un début de réponse aux situations dramatiques des personnes sans domicile fixe.

 

Des améliorations significatives ont également été apportées, grâce aux amendements des sénateurs socialistes, à la phase contentieuse de la procédure mise en place par le projet de loi.

La possibilité de saisir directement le juge administratif en l’absence de commission de médiation et, surtout, la possibilité de faire appel contre ses jugements offriront des garanties supplémentaires aux requérants.  

 

Enfin, les sénateurs socialistes peuvent se féliciter d’avoir corrigé, au moins partiellement, deux des plus graves lacunes du texte. D’une part, l’extension du champ d’application de l’article 55 de la loi SRU assurera une meilleure mobilisation des communes sur l’ensemble de notre territoire. D’autre part, la concentration des responsabilités aux mains des EPCI qui le souhaitent permettra de rationaliser le partage des compétences au plan local. Même limitées, ces avancées obtenues au Sénat sont essentielles car elles renvoient à certaines conditions fondamentales du droit au logement opposable. 

 

Lors de la lecture du projet de loi par notre assemblée, mes collègues du groupe socialiste et moi-même nous réjouissons d’avoir pu rallier une majorité de députés à certains de nos amendements.

 

Je pense, en premier lieu, à l’adoption de notre amendement prévoyant que toute sortie d’un centre d’hébergement d’urgence devra désormais être accompagnée d’une proposition de placement dans un centre d’hébergement d’insertion, voire même, lorsque c’est possible, d’une offre de logement. Popularisé sous un titre peu délicat pour les personnes qu’il vise, l’amendement dit « anti-remise à la rue » répond cependant à l’un des problèmes les plus cruciaux des sans domicile fixe. Sur l’ensemble de nos bancs, chacun sait bien en effet que la première priorité est de stopper la spirale de l’exclusion en offrant à nos concitoyens les plus démunis le temps et l’espace nécessaires pour se reconstruire.   

 

Mon groupe est également satisfait d’avoir pu améliorer la phase de médiation de la procédure mise en place par le projet de loi. L’obligation de créer, dans chaque département, des commissions de médiation avant le 1er janvier 2008 ; le principe de la composition paritaire de ces commissions ; et l’exigence d’une motivation écrite de leurs avis ; chacune de ces avancées, mes chers collègues, devraient mieux assurer les conditions de leur fonctionnement. L’adoption de notre amendement permettant aux associations agréées d’assister les requérants tout au long de la procédure va dans le même sens.

 

Enfin, le vote d’un amendement socialiste – également déposé par Madame la Rapporteur – ouvrant la possibilité de reloger les requérants chez les bailleurs ayant signé une convention avec l’ANAH marque une dernière avancée. En mobilisant davantage le parc privé, il devrait contribuer efficacement à désengorger le contingent préfectoral et à mieux répartir l’effort de solidarité sur l’ensemble des communes.

 

Aux différents motifs de satisfaction suscités lors de la lecture du texte par chacune des deux chambres, s’ajoutent, depuis ce matin, ceux générés par la discussion en commission mixte paritaire. 

 

Mon groupe se félicite d’abord de l’adoption de son amendement – identique au votre, Madame la Rapporteur – supprimant l’obligation de limiter l’appréciation des besoins du requérant « à sa famille proche en situation régulière ». Une telle disposition aurait constitué une discrimination inutile et vexatoire à l’encontre des étrangers disposant d’un titre de séjour sur notre territoire.

 

De même, Madame la Rapporteur, nous vous remercions d’avoir soutenu avec un succès identique notre amendement supprimant la possibilité de résilier le bail au terme d’une mise en demeure de deux mois. Attaquant le principe fondamental d’inviolabilité du domicile, cette mesure aurait pu porter atteinte aux droits des locataires. Par ailleurs, faute de préciser les conditions caractérisant « l’abandon manifeste du logement », elle aurait ouvert la voie de tous les abus aux bailleurs les moins scrupuleux.

 

Alors, oui mes chers collègues, notre Parlement a fait du bon ouvrage à l’occasion de la discussion du projet de loi instituant un droit au logement opposable. En introduisant dans la loi le principe de l’opposabilité du droit au logement est un progrès ; mais l’ampleur de la crise, l’urgence des attentes et des besoins, nous font dire que ce n’est pas un progrès suffisant.

 

Trop de nos craintes sont restées sans écho. Au premier rang de celles-ci, l’absence de mesure significative en faveur du renforcement de la mixité sociale. L’extension de l’article 55 de loi SRU à de nouvelles communes ne dissuadera pas les villes riches de préférer la contribution financière à l’effort de construction.

 

Il aurait fallu montrer davantage de volontarisme pour contraindre les maires à programmer des logements sociaux là où ils sont déficitaires. A défaut, votre dispositif va être non seulement inefficace mais injuste. Ce sont les communes qui ont déjà fait le plus d’efforts en matière de logements sociaux qui seront le plus sollicitées.

 

Il y a ensuite l’absence de mesures crédibles en faveur de la construction de logements sociaux adaptés au plus grand nombre des demandeurs. A quelques semaines de la fin de sa mission, le gouvernement corrige la loi budgétaire pour améliorer sensiblement le financement des logements PLUS et PLAI. Mais que va-t-il advenir de ces nouveaux crédits inscrits ?

 

Avez-vous fait un chèque en blanc que devront assumer vos successeurs ou préparez-vous une désaffectation de ces enveloppes comme vous l’avez pratiqué à de nombreuses reprises par le passé ? Dois-je rappeler pour illustrer la pertinence de nos craintes que les crédits initialement prévus dans la loi de programmation sociale étaient de 610 millions pour l’année 2007. La loi de finances pour l’année 2007 n’en a pourtant accordés que 458, soit 25% de moins !

 

Votre volonté délibérée, pendant des années, de ne pas privilégier les logements PLAI et PLUS, susceptibles de répondre au mieux à l’attente des demandeurs de logements, a accentué la crise du logement.  En lui donnant une gravité au paroxysme de la rupture sociale, vous avez provoqué les mouvements de pression qui vous ont placé, à plusieurs reprises ces derniers mois, dans l’obligation d’improviser les solutions. En ce domaine, c’est le pire tant la complexité technique s’ajoute aux contraintes des délais opérationnels. Annoncer que la crise est derrière nous est-ce de l’ignorance ou de l’impuissance ?

 

Nous craignons, comme beaucoup et notamment les acteurs du logement social ou de l’hébergement social, les associations d’accompagnement, d’insertion ou d’action sociale, que le dispositif que vous mettez en place, serve beaucoup plus à modifier l’ordre des priorités dans la liste d’attente que le nombre de personnes qui pourront effectivement en sortir par l’accès à l’hébergement ou au logement.

 

Tout reste à faire pour donner un réel et efficace contenu au droit au logement opposable. Votre projet de loi reste vicié par sa genèse précipitée. En n’ouvrant pas préalablement une concertation nationale, vous avez contrevenu aux recommandations initiales du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées. Et ce n’est pas seulement une question de forme, parce que sans la mobilisation de tous, sans la reconnaissance du caractère prioritaire que doivent trouver les réponses à apporter à ces dramatiques attentes de logement, rien de réellement efficace ne pourra être construit par la loi.

 

Nous mesurons le chemin accompli pour rendre effectif le droit au logement, singulièrement, par l’intervention des parlementaires dans l’élaboration de ce texte. Mais nous considérons également tout ce qui reste à faire pour donner un réel et efficace contenu au droit au logement opposable, tout ce que vous n’avez pas voulu faire. Pour ces raisons, Madame la Ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste s’abstiendra donc lors du vote.

 

Rédigé par ps-gentilly

Publié dans #Politique nationale

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