Crise européenne
Publié le 26 Mai 2010
Sous la pression, des marchés disent-ils, mais surtout de leur propre idéologie, les Etats européens s’apprêtent à s’administrer une purge sans précédent. Pour la France on parle de quelques 100 milliards à trouver en trois ans, soit plus de deux fois le total des recettes annuelles de l’impôt sur le revenu. Ce « remède » pour une économie même pas encore convalescente après la pire crise depuis les années 30 !
Même si on doit se soucier du niveau de la dette publique, rien n’impose d’en faire une priorité absolue. Si tous les pays européens entrent dans cette logique ils tueront ce qui reste de croissance et pourraient provoquer une déflation (baisse des prix et des salaires) dévastatrice. Le poids de la dette s’en trouverait accru.
Des comptes publics dégradés appellent une réponse énergique quand :
-beaucoup de projets d’investissement privés prometteurs sont évincés : dans la situation de croissance molle actuelle les besoins de financements sont inférieurs à l’offre de fonds, ce qui se traduit par un prix de l’argent, le taux d’intérêt, qui reste très bas. Pas de problème sur ce point.
-l’argent emprunté par l’État est gaspillé dans des dépenses avec une « rentabilité sociale » trop basse (inférieure au taux auquel l’Etat s’endette) : d’accord pour supprimer certaines niches fiscales, pour ne plus subventionner les heures supplémentaires ou ne plus alimenter la bulle immobilière, mais qui peut penser que, par exemple, les dépenses d’éducation ou d’équipement sont improductives ?
-les prêteurs ne croient pas à la capacité de l’Etat de rembourser, même dans de nombreuses années, la dette. La Grèce, qui a connu une véritable dérive budgétaire, est dans ce cas. Les marchés ont peut être raison de penser qu’au bout du compte elle devra faire défaut sur sa dette. Dans ce cas les taux d’intérêt explosent, fragilisant encore l’équilibre budgétaire.
Se focaliser sur la dette publique est inapproprié : avant la crise l’Espagne enregistrait des excédents budgétaires mais ses ménages et ses entreprises accumulaient des dettes considérables, souvent sans investissements productifs en contrepartie. L’Etat a du prendre les relais des emprunteurs privés pour éviter un effondrement de l’économie. Là comme ailleurs la crise des finances publiques est d’abord la conséquence de la faillite du capitalisme financier dérégulé.
Normalement nous devrions avoir dans la zone euro des mécanismes de transferts budgétaires vers les pays en difficulté. Ce type de mécanisme, qui supplée à la flexibilité du taux de change, existe dans des fédérations comme les Etats-Unis : quand l’Alabama est en difficulté sa peine est allégée car ses habitants contribuent moins par leurs impôts au budget fédéral et continuent à bénéficier des dépenses fédérales.
Dans une union monétaire il faut une brigade de pompier (un gouvernement économique commun) pour éteindre les incendies (les crises économiques et budgétaires dans certains pays). Pour la zone euro, seules existent de consignes de sécurité (le Pacte de Stabilité). Mais on ne peut ainsi prévenir tous les incendies. Quand le feu est là il faut intervenir avant qu’il ne s’étende. La réponse européenne a été bien trop tardive et il y a plus qu’un doute sur la volonté des gouvernements de mettre en place des règles crédibles pour résorber les déséquilibres macroéconomiques ainsi que les mécanismes de solidarité assurant le bon fonctionnement de la zone euro. Il faut aussi trouver le chemin d’une croissance durable et équitable. Des impôts européens, par exemple une taxe carbone et un impôt sur les sociétés, finançant un fond de cohésion et des dépenses pour l’éducation, la recherche et l’environnement, pourraient participer à ces objectifs.
A paraître dans Vivre à Gentilly